• Jan 9, 2025

Devenez imbattables sur les quatuors de Beethoven

  • Jérôme Pernoo
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C'est parti pour tenter l'expérience : chaque jour, l'extrait le plus frappant d'un nouveau quatuor à cordes de Beethoven, du premier à l'avant-dernier.

Je vous propose de venir écouter le dernier quatuor, en live, interprété par le Quatuor Akilone, dimanche 12 janvier à 11h au Brunch des Mélomanes.

On peut regrouper les seize quatuors de Beethoven en trois groupes : tout d'abord, ceux empreints de tradition classique avec les six quatuors de l'opus 18 ; ensuite, la période héroïque (du 7e au 11e), marquée par une saisissante intensité dramatique ; enfin, les cinq derniers quatuors, où Beethoven atteint une liberté d'expression et une profondeur introspective qui nous plongent dans un monde abstrait et contemplatif.

L’opus 18 : 6 quatuors

1

Le premier de l'opus 18 est le plus long de la série. Je vous propose d'en écouter aujourd'hui l'Adagio affettuoso appassionato. Beethoven dira de ce mouvement inspiré par Shakespeare : « Je me suis représenté la scène du tombeau dans Roméo et Juliette ».

Quatuor No. 1, opus 18, II. Adagio affettuoso appasionato

2

Dans le deuxième, la référence constante à Haydn est probante. Il faut dire qu'à ce moment-là son maître est encore vivant et admiré. C'est ce qui a valu à ce quatuor les surnoms de quatuor « des compliments » ou « des révérences ».

Quatuor No. 2, opus 18, I. Allegro

3

Celui-ci est reconnu pour ce qu’il est : le premier chef-d’œuvre du compositeur dans le genre. Je vous suggère d'en écouter le finale qui se finit d'une manière étonnante... tout doucement.

Quatuor No. 3, opus 18, IV. Finale

4

Celui-ci a longtemps été adulé tant par le public que la critique. Si bien qu'il a fini par être dénigré par les commentateurs avant-gardistes !

Quatuor No. 4, opus 18, IV. Allegro prestissimo

5

Le 5e quatuor peut être perçu, lui, comme un hommage à Mozart.

Quatuor No. 5, opus 18, II. Menuetto

6

Dans le dernier quatuor de cette première série, le finale s'ouvre sur une longue, lente et douloureuse introduction, “La Malinconia”, qui sert en fait de mouvement lent.

Quatuor No. 6, opus 18, IV. La Malinconia. Adagio - Allegretto quasi Allegro

Voilà, vous avez une idée des six premiers quatuors de Beethoven, encore bien ancrés dans l'esthétique classique de ses prédécesseurs.

Passons aux cinq suivants, ceux de sa période « héroïque ».

L’opus 59 : 3 quatuors dédiés à Razumowsky

7

Le Prince Andreï Razumowsky, ambassadeur de Russie à Vienne, avait demandé à Beethoven « quelques quatuors avec des mélodies russes, vraies ou imitées ». Beethoven en a écrit trois.

Alors, je vous propose d'écouter le finale du premier avec son fameux « thème russe » dicté par le dédicataire lui-même...

Quatuor No. 7, opus 59/1, IV. Allegro

8

Le mouvement lent du deuxième fut inspiré, selon Czerny, « par la contemplation d’un ciel étoilé et la pensée de l’harmonie des sphères »...

Quatuor No. 8, opus 59/2, Molto adagio

9

Dans la marge d'une esquisse du troisième quatuor dédié à Razumowsky (quatuor dit "héroïque") Beethoven écrit : « De même que tu te jettes ici dans le tourbillon mondain, de même tu peux écrire des œuvres en dépit de toutes les entraves qu’impose la société. Ne garde plus le secret de ta surdité, même dans ton art ».

Observez les premières mesures : Beethoven vous hypnotise avant de vous faire entrer dans son monde. On pourrait parler d'induction plutôt que d'introduction !

Quatuor No. 9, opus 59/3

L’opus 74 : Les harpes

L’appellation « Les harpes », totalement étrangère à l’auteur, repose sur l’emploi, dans le premier mouvement, d’arpèges joués en pizzicatto.

10

En  mai 1809 Napoléon exerce sa puissance meurtrière dans l’ensemble de l’Europe, assiège Vienne à coups de canons. La maison de Beethoven se trouve près des fortifications, à proximité des combats. Lui qui avait tant admiré Bonaparte doit se cacher dans des caves. Il s’affole des drames dont il est le malheureux témoin. « Quelle vie sauvage ! Et que de ruines autour de moi ! » écrit-il à son éditeur Breitkopf.

Le retour à la paix quelques mois plus tard lui permet de reprendre l’esquisse de son 10ème quatuor pour cordes. Mais Beethoven vit encore dans le drame de la guerre, de la désillusion, de la liberté trahie. L’œuvre s’ouvre dans un calme sombre et devient rapidement fiévreuse, agitée, colérique.

Hélène Rubak

Quatuor No. 10, opus 74, I. Poco adagio - Allegro

L’opus 95 : Sérieux

11

Les armes se sont tues mais Beethoven reste marqué par le drame de la guerre, de la désillusion, de la liberté trahie. La société autrichienne est bouleversée et ses espoirs de mariage avec Thérèse von Brunswick s’effondrent. Même sa Lettre à Thérèse* qui fit chavirer tant de cœurs n’y put rien ! Le quatuor Serioso nait dans un univers sombre et douloureux, nourri aux sources même de l’inspiration romantique.

H. R.

*Dite « à Élise »

Quatuor No. 11, opus 95, I. Allegro con brio

Les 5 derniers Quatuors

12

Ici, on atteint les sommets. Vincent d'Indy a décrit le mouvement lent du 12e quatuor comme « la plus sublime des prières ». Écoutons voir...

Quatuor No. 12, opus 127, Adagio, ma non troppo e molto cantabile

13

J'aime beaucoup l'anecdote autour de la création de ce 13e quatuor : elle montre à quel point il est anachronique d'exiger du public qu'il n'applaudisse pas entre les mouvements. À l'époque de Beethoven, non seulement on applaudissait, mais on pouvait même faire bisser un mouvement qui avait énormément plu !

Lors de la première exécution publique, les musiciens ont dû rejouer le deuxième mouvement avant de poursuivre, puis ce fut au tour du quatrième mouvement d'être rejoué !

En revanche, le finale était d'une telle disproportion (une énorme fugue de vingt minutes) qu'il fit un flop terrible ! À la demande de son éditeur, Beethoven réécrivit un finale... plus digeste.

Quatuor No. 13, opus 130, II. Presto

14

Le 14e quatuor est certainement le plus puissant. L’œuvre est bâtie d’un seul tenant, sans interruption entre ses sept mouvements. C'est ce quatuor que Schubert voulut entendre avant de mourrir. Il fut joué pour lui dans le petit appartement de son frère, à son chevet.

Quatuor No. 14, opus 131

15

Beethoven dira de son quinzième quatuor : « C’est une de mes œuvres les plus dignes de mon nom. »

Je vous propose d'en écouter le cœur, un mouvement lent central intitulé « Chant sacré d’action de grâce d’un convalescent à la Divinité, dans le mode lydien »

Quatuor No. 15, opus 132, V. Allegro appassionato

16

Enfin, le dernier quatuor, dernière œuvre totalement achevée de Beethoven. Son finale a fait couler beaucoup d’encre avec son titre « La résolution difficilement prise » et l’énigmatique Muss es sein ? Es muss sein ! (« Le faut-il ? Il le faut ! ») figurant en exergue.

Quelle est la signification profonde de cette phrase dans l'esprit de Beethoven ? Vous le découvrirez le 12 janvier lors du Brunch des Mélomanes, de la bouche d'Élisabeth Brisson elle-même, lors du podcast animé par Arièle Butaux.

Quatuor Akilone

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