- Sep 7, 2024
La Sonate de l’amitié
- Jérôme Pernoo
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Pourquoi ce choix soudain ? D’où vient cette nouvelle direction ? Ceux qui connaissent bien Rachmaninov savent qu'il n’avait jamais montré un intérêt particulier pour le violoncelle avant cela. Et en général, il écrivait des œuvres pour les jouer lui-même en concert.
Pour résoudre ce mystère, il faut remonter aux relations humaines et artistiques du compositeur. Un nom revient rapidement dans l'enquête : Anatoli Brandoukov, célèbre violoncelliste russe et ami proche de Rachmaninov. Leur amitié était telle que Brandoukov a non seulement joué plusieurs œuvres de Rachmaninov, mais il a aussi été le témoin de son mariage en 1902.
La relation entre les deux musiciens avait commencé bien avant la composition de la sonate. Brandoukov était un violoncelliste admiré, connu pour avoir été dans sa jeunesse le favori de Tchaïkovski, avant que ce dernier ne devienne le mentor de Rachmaninov. Lors de son tout premier concert à compte d'auteur en 1892, Rachmaninov, encore un jeune compositeur, avait fait jouer à Brandoukov son Trio élégiaque, dédié à la mémoire de Tchaïkovski.
Brandoukov, avec son jeu expressif et sa profonde amitié pour Rachmaninov, est certainement celui qui a planté la graine de l’idée d’une sonate pour son instrument dans l'esprit du compositeur. Mais cela suffit-il à expliquer cette œuvre profondément émotionnelle et lyrique ?
Une autre hypothèse émerge : après avoir surmonté sa crise personnelle et renoué avec le succès, Rachmaninov cherchait peut-être de nouvelles pistes. Le violoncelle, avec ses qualités lyriques, son timbre chaud et sa capacité à exprimer des émotions profondes, semblait être le complément parfait à son écriture pianistique.
Alors, pourquoi Rachmaninov a-t-il écrit cette sonate pour violoncelle ? L’explication la plus plausible repose sur un ensemble de facteurs : son amitié avec Anatoli Brandoukov, son admiration pour Tchaïkovski, et peut-être une volonté de s’exprimer différemment après avoir surmonté une période sombre de sa vie. Cette œuvre, pleine de contrastes émotionnels, reflète les tourments intérieurs du compositeur. Elle commence avec nostalgie et se termine dans la lumière d’une renaissance confiante. Peut-être pourrait-elle être perçue comme une célébration de l’amitié, la véritable amitié, celle qui permet de reprendre pied.
En cela, la Sonate pour violoncelle et piano op. 19 est un chef-d'œuvre intemporel et universel.